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Rapport van Dijck
NATIONAL PROJECTILE FACTORY - BIRTLEY
15 janvier 1916

Rapport général


1er Contrat:

Le 17 septembre 1915 un accord fut signé entre les Directeurs Belges leur confiant la direction de l'usine et du village avec contrôle par Armstrong des finances et des marchandises à l'entrée et sortie de l'usine.
Ceci est l'idée générale.


Organisation :

  1. Un bureau fut constitué à Londres environ le 1er octobre 1915.
  2. Un plan d'organisation général des services fut établit. Ce tableau servit de guide au recrutement du personnel supérieur, contremaîtres inclus.
  3. Un règlement général d'usine a été édicté.
  4. Pour autant que les plans et détails étaient en notre possession il a été dressé une liste de classes d'ouvriers et d'ouvrières requis dans l'affaire.
  5. Suivant le plan d'organisation des services de l'usine le système des fiches nécessaires dans celle-ci et requis pour l'établissement de la comptabilité industrielle, relative entre les divers services, fut dressé, approuvé par Armstrong et imprimé.
    Le système d'organisation des fiches se composent (sic) de 54 fiches.
  6. Suivant le plan d'organisation des services d'administratifs, ce département préparait les fiches, livres comptables etc.. qui, découlant du système de l'usine, devait parfaire à l'ensemble des services techniques et administratifs.
  7. Le second contrat en date du 1er décembre 1915 réglait surtout le mode de prime sur prix de revient et production.

Recrutement:

Main-d'œuvre: Connaissant approximativement la main-d'œuvre requise, il a été établi un
service en Hollande, France et Angleterre, centralisé à Londres. Ces services sont maintenant suspendus. Pour que ces services auraient (sic) pu fonctionner à la perfection nous devrions avoir des usines pour employer les ouvriers, connaître les salaires à payer et pouvoir garantir le logement.
o- Usines pour employer les ouvriers:
Malgré la promesse du Ministère de nous indiquer des usines, seule la maison Armstrong, en
attendant la mise en marche de Birtley, nous a offert cette possibilité de former un noyau
d'ouvriers, limitant cependant ces engagements à des ouvriers outilleurs, ajusteurs et tourneurs.
Ils ont accepté aussi quelques fondeurs (2) et quelques riveurs (12).
o-Connaître les salaires à payer:
Un tarif des salaires du district de Newcastle fut obtenu à cet effet de la firme Armstrong.
Ce tarif ne renseigne pas tous les métiers requis à Birtley et malgré notre demande nous n'avons
rien obtenu à ce sujet. Ce tarif est inférieur aux salaires payés par certaines firmes recrutant
à Londres et une liste incomplète des salaires payés par certaines firmes a été dressée pour
comparaison, nos réclamations à ce sujet sont restées sans résultats.
O- Logement :
Le district n'avait, généralement parlant, pas de logement convenable disponible.

De ce qui précède il résulte que sur environ 2.500 ouvriers de diverses catégories qui se
sont présentés pour être engagés et dont les dossiers sont à Londres, 300 ouvriers ont été engagés
dont approximativement 150 au travail à Birtley et approximativement 150 chez Armstrong.

RECRUTEMENT DU PERSONNEL TECHNIQUE SUPÉRIEUR, DIRECTEUR, ET SOUS-DIRECTEUR DE L'USINE, PERSONNEL ADMINISTRATIF ET CONTREMAÎTRE.

Les nombreuses relations industrielles des personnes engagées tout d'abord ont permis très rapidement un groupement suffisant pour la mise en marche de l'usine. En plus, nous connaissons un certain nombre de personnes compétentes dans des usines autres que celles faisant des munitions qui sont à notre disposition.

Recrutement du personnel tels régleurs, contrôleurs, brigadiers.

Ce personnel est celui qui nous fait le plus défaut et à ce jour, malgré nos demandes, le salaire à leur payer à l'heure nous est encore inconnu.

Recrutement des élèves formés aux écoles de munitions.

Les écoles ont reçu le tarif des salaires que les élèves femmes et hommes gagneraient à Birtley comme tourneur. Nous avons amené la maison Armstrong à prêter 2 machines pour le finissage du culot à la douille à l'école de Brixton pour entraîner la main-d'œuvre des femmes. L'école nous avisait, il y a environ 3 semaines, qu'un grand nombre d'élèves étaient à notre disposition.

Le Village

Nous avons dressé les plans du village. Ces plans ont été remis au Ministère des Munitions qui en a donné l'exécution à divers entrepreneurs.
Un délai considérable s'est produit au Ministère entre la remise de nos plans et un commencement d'exécution. Pour remédier à ce retard le Birtley Hall a été, avec la permission du Ministre des Munitions, équipé pour recevoir environ 150 hommes (logements et pensions). L'organisation des services du village devait se trouver sous notre direction. Un plan d'organisation avait été établi.
Ce village comprenait :
o- Maisons des directeurs et chefs de service.
o- Maisons ouvrières et pour contremaître.
o- Boarding houses, Camps et Réfectoires.
o- Il était question d'une Coopérative, École, Hôpital, Station de pompiers, etc..

Technique

Au point de vue technique, la situation suivante nous était imposée :

  1. L'usine montée et équipée par Armstrong sous le contrôle de leurs chefs Anglais accepte d'employer des Belges comme ajusteurs-monteurs, manœuvres, électriciens, etc.. qui peuvent servir plus tard dans l'usine.
  2. L'usine ainsi montée et équipée serait livrée prête à fonctionner et un outillage d'environ 250 jeux d'outils pour les petites machines du département des douilles avec un nombre correspondant à l'usine de ceux-ci en fait de poinçons, matrices, etc..
  3. La mise en marche de l'usine se fera en commençant par le département des douilles. La firme Armstrong nous fournira pour commencer les flancs jusqu'au jour où nous serons à même de produire notre propre matériel brut.
  4. Les rapports entre notre Direction de l'usine et Armstrong n'ont pas été fréquents étant donné qu'une usine complète devait nous être livrée et que des suggestions ne nous étaient pas demandées.

Les questions suivantes ont cependant été débattues et admises comme suit :
Pour le système de pointage à l'entrée et sortie nous avons convenu d'employer le "Day Time Register".
Un magasin central appartenant à Armstrong verserait un certain stock dans le magasin de chaque atelier en passant inspection.
Les ouvriers seront payés chaque semaine, le jeudi, à des guichets payant chacun 200 ouvriers.
Une pharmacie serait établie.
Le contrôle de la sous-station électrique deviendrait dès à présent belge.
La construction des bureaux généraux serait faite suivant nos plans, ceux-ci découlant de l'organisation de nos services. Ces bureaux sont en construction.
Les analyses des métaux seraient temporairement faites par Armstrong.

Notre direction technique a également fait une demande de ce qui suit :

Une liste des articles nécessaires en magasin pour la mise en marche du département des douilles; cette liste, afin de voir si elle est complète.
Un stock de micromètres et autres instruments nécessaires à nos contremaîtres, brigadiers, contrôleurs et régleurs de machines.
L'admission du principe de l'achat à crédit de micromètres, etc.. par notre personnel.
Plans des éléments (douilles) dans les diverses phases de fabrication.
Plans complets de l'outillage du département des douilles pour examen et transfert à notre chef de département des douilles.
Le remise des jauges et calibres pour le contrôle de l'outillage de la douille à l'usage de notre contrôleur d'outillage.

Considérations découlant du rapport qui précède:

Sujet:

Afin de tirer profit dans un délai aussi bref que possible de la situation nouvelle de l'entreprise et désireux de procéder avec ordres et méthodes, je crois utile de vous soumettre :

  1. Le plan d'organisation général des services techniques et administratif tel qu'il existe (ou copie)
  2. Le règlement général de l'usine ainsi qu'il est édité
  3. Dresser à nouveau suivant les plans et opérations la liste des diverses classes ouvriers et ouvrières requis dans l'usine.
  4. Soumettre pour étude et à votre approbation le système d'organisation des fiches nécessaires au fonctionnement de l'usine.
  5. Obtenir de notre service administratif le système d'organisation des fiches, livres comptables, etc.. prévus pour parfaire à l'ensemble des services techniques et administratifs.

Recrutement.

Main-d'œuvre.
o- Centraliser à Birtley le service de recrutement.
o- Arranger avec le Ministère des Munitions le recrutement à Londres.
o- Dresser liste des salaires de toutes les classes d'ouvriers avec nombre requis en comparant avec salaire du district et salaires payés par les autres firmes.
o- Pousser l'achèvement et l'ameublement des camps et maisons.
o- Nous préparer à reprendre chez Armstrong les employés y travaillant, engagés par nous, en commençant par en dresser une liste indiquant exactement le métier de chacun.

PERSONNEL TECHNIQUE.

o- Fixer le salaire de ce personnel basé sur les salaires offerts au centre de recrutement.
o- Renouveler les demandes faites et indiquer dans le rapport si toutefois ceci serait jugé utile.
o- Soumettre à l'approbation un programme en vue de la prochaine mise en marche du département des douilles.

(sé) Cl.van Dijck

Rapport du Directeur général au Ct Blaise
Birtley, le 17 avril 1916.

Cher Monsieur,

J'ai l'avantage de vous donner ci-après la relation des événements qui se sont produits à Londres et à Birtley depuis mon retour du Havre.
Après vous avoir expédié de Londres mon télégramme du 4 ct., je fus prié par Monsieur WEST de l'accompagner à Birtley le même soir, ce que j'acceptai.
Le lendemain matin je me trouvais à la gare de Newcastle avec Monsieur WEST accompagné de son secrétaire, le commandant POLLET et du Major G.B. MORGANS qui me fut présenté comme représentant du Ministère des Munitions à Birtley (en remplacement de Monsieur KIDD.) Le Major MORGANS a fait la campagne des Dardanelles et n'est pas encore rétabli de la maladie qu'il y a contractée. Il parle assez bien le Français et est d'un abord très sympathique. Monsieur WEST, qui était extrêmement aimable, me demanda de l'accompagner à Elswick avec ces Messieurs pour y voir Sir PERCY GIRONARD avant de se rendre à Birtley. Cette entrevue eut lieu à dix heures et Sir PERCY GIRONARD répéta que les Usines Armstrong m'étaient ouvertes, que je pouvais m'y rendre avec mes ingénieurs, et y demander tous les renseignements qui me seraient nécessaires.
Après l'avoir remercié, nous sommes partis pour Birtley où Monsieur WEST me fit remettre immédiatement les renseignements que je demandais en vain depuis si longtemps concernant l'outillage des tours et sans lesquels je ne pouvais pas commencer l'étude de la fabrication des obus. Les listes des opérations et des prix à la pièce pour les 5 pouces et les 6 pouces dont la fabrication doit être entamée à bref délai furent examinées avec Monsieur WEST.
Nous allâmes ensuite aux Usines d'Armstrong de Scotswood où se fabriquent les obus de divers calibres. Nous ne pûmes examiner que la fabrication des obus à haut explosif de 6 pouces attendu qu'Armstrong ne produit pas les shrapnels de 5 pouces. La visite se fit sous la direction de Monsieur WEST qui a créé paraît-il cette usine lorsqu'il était attaché à la maison Armstrong.
Pendant toute la journée Monsieur WEST fut très aimable et me fit à plusieurs reprises la promesse formelle de me fournir tous les renseignements et documents qui me seraient nécessaires. Monsieur WEST et son secrétaire rentrèrent à Londres le 5 ct. et le lendemain je reçu la visite du Major MORGANS qui tenait à renouveler sa déclaration de la veille, c'est-à-dire qu'il ferait tout son possible pour m'aider.

En résumé, la situation s'était améliorée considérablement; mais un point cependant restait inquiétant: c'était la nomination du capitaine TRAVERS comme assistant du Major MORGANS. J'avais compris en effet au cours des entretiens auxquels j'avais assisté qu'il devait en être ainsi. J'avais bien attiré l'attention sur le manque complet de sympathie entre le Capitaine TRAVERS et le personnel belge, mais Monsieur MORGANS m'avait paru attribuer à ceci qu'une importance secondaire. J'avais donc l'intention de vous écrire à ce sujet pour vous demander de signaler ce point à Monsieur le Ministre LLOYD GEORGE lui-même lorsque je reçois le 7 courant un télégramme ainsi conçu:
"LES ARRANGEMENTS FAITS PAR WEST JEUDI S'OPÈRENT-ILS DE FACON SATISFAISANTE SINON VOUDRIEZ-VOUS VENIR ME VOIR ET WEST LUNDI MIDI TRENTE HOTEL METROPOLE"
auquel je répondis comme suit :
"J'AURAI L'HONNEUR DE VOUS RENDRE VISITE LUNDI TRENTE HOTEL METROPOLE"
Mon entrevue avec le Ministre eut lieu le 9 courant à midi trente en présence de Sir FREDERICK BLACK, Monsieur WEST, le Major MORGANS, et le Commandant POLLET.

J'expliquai à Monsieur le Ministre que l'intervention de Monsieur WEST m'avait permis d'obtenir des renseignements que j'attendais depuis longtemps et que, de plus Monsieur WEST m'avait promis de me faire obtenir dorénavant rapidement tous les renseignements et documents que je jugerais nécessaires à la bonne marche de l'usine de Birtley. J'ajoutais que les entrevues que j'avais déjà eues avec le nouveau représentant du Ministre des Munitions à Birtley, Monsieur le Major MORGANS m'avaient laissé la meilleure impression; que j'avais trouvé chez lui le plus grand désir de m'aider à remplir ma mission. Je concluais en disant que si les promesses qui m'avaient été faites étaient tenues, je me déclarerais satisfait.
Je devais cependant attirer l'attention de Monsieur le Ministre sur un point qui me paraissait inquiétant pour l'avenir et qui concernait le Capitaine TRAVERS et je lui fis connaître le peu de sympathie qui régnait entre lui et le personnel belge et le danger qui pourrait résulter de son intervention comme assistant du Major MORGANS.
Monsieur le Ministre demanda alors à Monsieur WEST des renseignements au sujet du Capitaine TRAVERS. Ces renseignements lui furent donnés et Monsieur WEST ajouta que le Capitaine TRAVERS ne serait pas nommé assistant du Major MORGANS et qu'il venait précisément de choisir cet assistant qui serait Monsieur GARDNER.
Monsieur LLOYD GEORGE me demanda alors si dans ces conditions, il pouvait écrire à Monsieur de BROQUEVILLE que j'étais satisfait. Je lui répondis affirmativement sous réserves que les promesse qui m'avaient été faites seraient tenues.
L'entrevue avec le Ministre fut très cordiale.

Le Ministre David Lloyd George Le Ministre David Lloyd GEORGE
Photo de Kurt Hutton/Picture Post/Getty de 1940.
Sur ce cliché le premier Ministre est âgé de 77 ans.

En sortant du bureau de Monsieur LLOYD GEOGE, j'eus une réunion avec Monsieur WEST, le Major MORGANS et le Commandant POLLET où me fut présenté le Lieutenant GARDNER, assistant du Major MORGANS. Le lieutenant GARDNER revient de Salonique; il parle assez bien le Français et habitait Marseille avant la guerre où il avait établi une raffinerie d'huile. Il paraît aussi devoir être d'un commerce agréable. Au cours de cette réunion fut réglés quelques points de détails à ma satisfaction.
Il y fut notamment question de la mise en marche de l'usine et je conseillais vivement à Monsieur WEST de porter tous ses efforts sur l'achèvement de l'installation des machines pour l'usinage des shrapnels de 5 pouces, attendu que cette partie de l'usine était la plus avancée. Nous pourrions ainsi mettre au point la fabrication des 5 pouces, expédier nos produits pour éviter l'encombrement des usines et entamer ensuite la fabrication des obus de 6 pouces.
Monsieur WEST se déclara d'accord avec moi et donna des ordres au Commandant POLLETT d'aller rechercher dans toutes les usines actuellement en construction les machines nécessaires pour compléter l'installation des 5 pouces.
Je suis rentré à Birtley le 13 courant et j'y suis maintenant installé définitivement. Vous m'obligeriez donc en voulant bien désormais m'y envoyer toute la correspondance.
La mise en marche des usines qui devait avoir lieu le 15 courant n'a pas pu se faire parce que l'usine n'est pas prête. Je vous adresserai fin du mois un état d'avancement des travaux en même temps qu'un rapport sur la mise en marche si elle a lieu. En attendant vous trouverez ci-après quelques détails concernant l'état d'avancement de l'usine pour le parachèvement des 5 pouces.

L'usinage de ces shrapnels comprend 18 opérations pour lesquelles 151 machines sont prévues.
Il y a seulement 108 machines montées.
Les presses pour placer les ceintures ne sont pas montées; mais elles sont arrivées.
Les machines pour les opérations No 8, 10, 11 et 17 manquent partiellement. Les machines pour les opérations 9, 14, 16, et 18 manquent totalement.
Aucune machine outil n'est pourvue de son outillage ni de ses calibres, mais on me dit que tout est prêt.
L'usine pour le parachèvement des obus de 6 pouces est beaucoup moins avancée encore.
En résumé, le Major MORGANS m'assure que nous pourrons mettre en marche le 25 courant pour les 5 pouces et le 10 mai pour les 6 pouces. Je vous prie donc d'accélérer l'envoi du personnel que je vous ai demandé par mon télégramme du 4 ct. parce que je désire être prêt à entamer la fabrication avant l'achèvement de l'usine. Pour gouverne, de tout le personnel que je vous ai demandé jusqu'aujourd'hui, il n'est arrivé que DOPAGNE et le Sergent DEMARBAIS avec ses 3 hommes et puis 26 hommes dirigés par le sergent REMY, le nommé STEVENS ayant quitté le détachement à Londres sans autorisation. Je ne puis donc que vous recommander de presser par tous les moyens possibles l'envoi du personnel signalé dans mon télégramme du 4 ct. précité, car il serait extrêmement désagréable pour nous de ne pouvoir mettre en marche à cause du manque de main-d'œuvre.
Je vous demande de bien vouloir m'envoyer par retour du courrier la liste des gens que vous m'avez expédiés.

Dans cette attente, je vous prie d'agréer, Cher Monsieur, l'expression de mes meilleurs sentiments.
Hubert Debauche,Directeur général de la N.P.F. A Monsieur le Capitaine Commandant BLAISE
Cabinet Militaire au Ministère de la Guerre. LE HAVRE.
Rapport H.D. le 7/05/1916
Le 7 mai 1916
A Monsieur le Capitaine Commandant BLAISE
Cher Monsieur,

J'ai bien reçu votre télégramme du 4 courant ainsi conçu:
No 81. Rentre congé trouve vos lettres avons pris comme le savez mesure pour vous fournir main d'œuvre nécessaire -stop- rencontrons grosses difficultés -stop- pas oublier notre école en marche normale vous fournira cent apprentis tourneurs semaine prochaine et deux cents par mois ensuite -stop- prière vous mettre par Theunis en relation avec colonel belge Loiselet directeur usine belge fusils Birmingham qui pourra diriger sur Birtley ouvriers venant offrir services journellement stop ingénieur Lebrun arrivera fin semaine prochaine.
De mon côté, je vous ai télégraphié le 6 courant comme suit :
Prière ne pas envoyer ouvriers tourneurs semaine prochaine -stop- vous écrirai demain.
ce que je vous confirme.

Par ma lettre du 29 avril adressée à Monsieur le Ministre de la guerre, je vous informais que 40 de nos ouvriers travaillaient pour le compte d'Armstrong et aidaient au montage des outillages des tours. A partir du 1er mai, ces ouvriers ont commencé, toujours pour le compte d'Armstrong, à effectuer les premières opérations de l'usinage des schrapnelles de 5'' et des obus de 6'', dans le but de s'assurer que les machines et leur outillage étaient bien au point. Les projectiles forgés viennent des usines Armstrong. Il en est de même des outils pour tours, attendu que notre atelier d'outillage n'est même pas commencé.

SCHRAPNELLS DE 5''

L'essai des machines fut fait seulement pour les opérations :
o- No 1 : Couper le bout
o- No 2 : Centrer la face pour dégrossir.
et fut immédiatement abandonné parce que l'outillage manquait pour les opérations suivantes. Le travail a cessé depuis le 3 mai et personne ne peut me dire quand il sera repris.

OBUS DE 6''

L'essai dure toujours et se fait sur les opérations Nos 1 à 4.
o- Op. n°1 : Centrage : Nous avons prévu pour ce travail une durée de 11/2 à 2 minutes. Nous espérons y atteindre en modifiant l'outillage.
o- Op. n°2 : Couper le bout : cette opération prend 15 à 20 minutes, alors que nos prévisions étaient de 5'. Nous avons apporté quelques modifications à l'outillage qui a ramené le temps à 7' et lorsque Armstrong aura modifié la restant suivant nos indications, le temps de 5' sera atteint.
o- Op. n°3 : Dégrossir le corps : selon nos prévisions cette opération doit se faire en 10 minutes tandis qu'avec les tours tels qu'ils sont installés, elle dure de 20 à 25 minutes. Lorsque Armstrong aura modifié l'installation des machines suivant nos indications, je compte que l'opération pourra être effectuée en 8 minutes. Le Major Morgans (représentant le Ministère des Munitions) a commandé immédiatement le matériel pour la transformation d'un tour, et lorsque ce tour sera mis au point, les autres seront transformés à leur tour.
o- Op. n°4 : Aléser (dégrossir et finir) raccorder en profondeur : le temps prévu par nous pour cette opération est de 15', tandis que le temps réellement dépensé a été de plus de 60'. L'habitude du travail permettra de gagner du temps, mais dès à présent on peut dire que l'outillage complet devra être remplacé, et nous espérons bien que le nouvel outillage créé sur nos indications nous permettra d'atteindre la durée de 15' prévue par nous.
Comme je vous le disais plus haut, l'atelier de l'outillage n'existe pas encore ; nous ne possédons ni tours, ni foreries, ni meules, ni fours à tremper, etc.. et cette absence d'atelier d'outillage nous paralyse complètement dans la mise au point de l'outillage proprement dit. En général il règne un grand désordre dans le travail de montage des usines, on travaille partout et on ne termine rien. On voit que le travail se fait sans plan ni programme bien défini. ette façon de faire met à néant mon programme primitif qui consistait à mettre en marche d'abord l'usine des 5'', puis celle des 6'' et enfin l'usine des 8'' et je crains que nous soyons forcés de mettre en marche les trois usines ensemble.
Si mes craintes se réalisent, il me faudra pour obtenir une mise en marche rapide, avoir sous la main dès le début un nombre considérable de tourneurs de profession, et ce n'est qu'après la mise au point de ces nombreuses opérations que je pourrai commencer à diluer la main d'œuvre par l'introduction des manœuvres ou apprentis tourneurs.
C'est pourquoi j'insiste que vous m'envoyiez le plus tôt possible et avant tout, tous les tourneurs de profession que vous pouvez trouver dans l'armée, de manière à ce que je puisse grouper ici pour le 1er juillet prochain au moins 450 tourneurs de profession ; ce nombre sera porté plus tard à 600 comme je vous le disais dans ma lettre du 24 avril dernier. La date du 1er juillet que j'indique ci-dessus est celle qui vient de m'être signalée comme étant celle de la mise en marche de l'usine complète.
Je vous ai télégraphié de ne pas m'envoyer d'apprentis tourneurs en ce moment parce que cette catégorie d'ouvriers est celle qui est la moins utile actuellement. J'ai engagé jusqu'à ce jour environ 800 soldats réformés en Angleterre dont plusieurs centaines ont terminé leurs cours d'apprentissage dans les écoles anglaises. J'en ai pris environ 150 dont la plupart sont inoccupés. De plus, j'en reçois chaque semaine de l'école de Loughborough que je ne puis pas refuser. Les travaux de l'usine n'absorbant que très peu de tout ce personnel et quoique le Ministère des Munitions paie même ceux qui sont inoccupés, l'accumulation des soldats qui ne sont pas utilisés dans les travaux commence à me créer de grandes difficultés avec la population indigène. Je dois donc en limiter le nombre. C'est pourquoi j'insiste tant sur la nécessité de réunir ici d'abord les gens de métier qui seront les premiers utilisés.

Veuillez agréer, Cher Monsieur, l'assurance de mes meilleurs sentiments.
Hubert DEBAUCHE

P.s.1 : Je fais tout ce que je peux pour que le bungalow destiné à Monsieur Lebrun soit prêt mais je crains fort que, comme pour les autres bungalows, il ne sera pas entièrement terminé à son arrivée car tous les meubles ne sont pas encore placés. En tous cas, j'espère que la famille de Monsieur Lebrun ne souffrira pas trop.
P.s.2 : (en marge): Je dois dire en passant que malgré la démarche que j'ai faite à Londres le 1er courant auprès du Ministère des Munitions, je ne suis pas parvenu jusqu'à ce jour malgré les promesses qui m'ont été faites, à faire employer dans les travaux du village les centaines d'hommes inoccupés. Nous avons en ce moment ici environ 370 personnes dont 200 hommes de métier et 170 manœuvres et nous attendons mercredi et samedi prochain 50 manœuvres nouveaux arrivant de l'école de Loughborough.

Rapport du 15 août 1916
15 Août 1916.

Monsieur le Ministre
J'ai l'honneur de vous confirmer le télégramme suivant:

"En vue d'éviter ennuis extrêmement sérieux il est absolument indispensable que tous les hommes de métiers à retirer de l'armée de campagne et spécifiés dans ma lettre du premier août ainsi que les élèves tourneurs de l'école de Moisson arrivent à très bref délai -stop- j'espère vivement que vous pourrez donner satisfaction".
Je vous ai lancé ce télégramme à la suite d'un entretien confidentiel que je viens d'avoir avec le Major MORGANS au sujet de la main d'œuvre actuellement rassemblée à Birtley. Le Major MORGANS a attiré mon attention sur l'insuffisance de cette main d'œuvre qui ne permet pas de faire fonctionner jour et nuit toutes les machines pourvues des outils nécessaires et mises à ma disposition. Il m'a fait remarquer que l'usine à parachever les obus de 8 pouces pourrait si elle était alimentée de main d'œuvre produire des projectiles qui sont attendus avec la plus vive impatience par le Gouvernement anglais et il m'a demandé à quelle date il pouvait compter sur l'arrivée du personnel nécessaire.
Je lui ai répondu que selon la dernière communication qui m'avait été faite par le Gouvernement belge (lettre n° 4545/Bc5 du 7 août du cabinet militaire du Havre) je pouvais lui donner l'assurance que je recevrais vers la fin du mois d'août un grand nombre d'hommes du métier retirés de l'armée belge qui, ajoutés aux soldats réformés que j'avais encore à recevoir d'Angleterre me permettraient de développer rapidement le travail de parachèvement des obus de 8 pouces, travail qui était à peu près mis au point actuellement.

Ma réponse parut le satisfaire mais il a cependant tenu à m'informer confidentiellement de certains bruits dont il ne m'a pas dévoilé la source mais que je suppose provenir du Ministère des munitions et qui tendraient à représenter comme possible une rupture de la Convention signée par les deux gouvernements le 11 février dernier, rupture qui serait basée sur le manque de main d'œuvre.
Je lui ai promis de vous tenir au courant immédiatement.

En ce moment, il y a 1790 hommes mobilisés dans les usines dont:

  • Ouvriers de métier retirés de l'armée et des ateliers du Hâvre: 439
  • Elèves venus de Moisson: 381
  • Civils et soldats réformés engagés en Angleterre: 970
  • Total : 1790
Les hommes sont, pour les 5/6 occupés aux travaux des obus de 5 et de 6 pouces et pour 1/6e aux travaux des obus de 8 pouces. Les outils arrivent en assez bon nombre et l'on pourrait occuper beaucoup plus d'hommes dans les 8 pouces.

Je me permets donc de vous demander de bien vouloir activer par tous les moyens possibles l'envoi rapide de tous les hommes de métiers indiqués à l'encre rouge dans la 4ème colonne du tableau n°4 de ma lettre du 1er août, c'est à dire :

  • Tourneurs 319
  • Fraiseurs 8
  • Raboteur 1
  • Mortaiseurs 3
  • Ajusteurs et Monteurs 128
  • Corroyeurs 10
  • Forgerons 2
  • Rectifieurs 11
  • Affûteurs 8
  • Trempeurs 7
  • Traveurs 4
  • Chauffeurs aux fours 20
  • Machinistes aux presses 29
  • Ouvriers aux presses 25
  • Total 575
soit un total de 575 ouvriers de métiers à retirer de l'armée de campagne et parallèlement si possible les 219 aides tourneurs de Moisson qu'il me faudrait encore. Je pense que nous devons prendre très au sérieux l'éventualité signalée à titre confidentiel par le Major Morgans car j'ai de bonnens raisons de croire que Mrs Armstrong, Withworth and Co Limited n'ont pas perdu l'espopir de reprendre les usines de Birtley. Je serais très heureux de recevoir par retour du courrier l'assurance que vous pourrez donner satisfaction très rapidement au Major MORGANS dont les sympathies nous sont acquises car il serait extêmement regettable que le travail énorme dépensé ici l'aie été en pure perte.

Dans l'attente de vous lire je vous présente, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments les plus dévoués.
H. DEBAUCHE


A Monsieur le Baron de Broqueville, Ministre de la Guerre
Le Hâvre

Le D.O.A.B.E

MINISTÈRE DE LA GUERRE

2e Bureau.
Le Havre, 1e 14 octobre 1916.
N° 63/1678


Au Chef de la Mission Militaire Belge à Londres.
Au Major ordonnateur à Londres.
Au Capitaine en second Algrain.
Au Lieutenant Colonel Ordonnateur au Havre.
Aux S.G. et à la D.E.A.
Au Commandant Supérieur de la Base de Calais.
A l'Auditeur Général.
A l'Inspecteur Général de l'Armée.


J'ai l'honneur de vous faire savoir que les ouvriers militaires mis à la disposition de l'usine de Birtley sont, à la date de ce jour, groupés en un détachement, relevant directement de mon département, et dénommé: Détachement des Ouvriers d'Artillerie de Birtley-Elisabethville" ( D.O.A.B.E.)
Ce détachement comprendra un certain nombre de compagnies, d'un effectif variable, dont le personnel (hormis celui reconnu indispensable à l'administration et au service intérieur du détachement) sera employé dans l'établissement de Birtley.
Les ouvriers susvisés seront considérés comme étant en congé sans solde mais uniquement au point de vue des allocations militaires. Ils resteront soumis à toutes les règles de la discipline et de la juridiction militaire. Les soldats qui se rendraient coupables de délits passibles de conseil de guerre seront conduits à Calais. Ceux qui feraient preuve d'une inconduite persistante seront dirigés sur la compagnie de discipline (Ile de Cézembre).
Le Capitaine en second ALGRAIN, exercera le commandement du détachement; il aura, en ce qui concerne l'administration et la discipline, les attributions d'un Chef de Corps.
Les lieutenants CADEYNE et PIRON, ainsi que d'autres officiers à désigner ultérieurement selon les nécessité du service, lui seront adjoints.
Le Commandement du Détachement désignera un de ces officiers pour remplir, en qualité de secrétaire, les fonctions incombant à l'adjudant major de régiment et un autre pour exercer les fonctions d'officier payeur.

Je prie le Major ordonnateur à Londres ainsi que le Capitaine en second Algrain de vouloir bien prendre ou provoquer, les cas échéant, toutes les mesures nécessaires pour l'application des dispositions qui précèdent.

Le Ministre de la Guerre.
Par Ordre:
Le Directeur Général faisant fonctions.


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