La rebellion du 21 décembre 1916Rapport de Mr Hubert Debauche, directeur général, expédié à Monsieur le Ministre de la Guerre
le 25-12-16 au soir. Le 24/12/1916 Monsieur le Ministre,J'ai l'honneur de vous donner ci-après la relation des événements survenus dans le Village d'Elisabethville au courant du 21 Décembre dernier et des jours suivants.Le 21 décembre à 8 heures 1/2 du matin un des chefs de service m'apporta un placard trouvé dans les ateliers, écrit au crayon et qui disait ce qui suit: Chers amis,Vers 9 heures du matin, je remis ce papier au Capitaine Algrain qui était déjà informé et qui avait projeté les mesures à prendre. Vous trouverez d'ailleurs, annexé à la présente, le rapport du Capitaine Algrain où les dispositions qu'il avait prévues sont indiquées. Pendant la journée il ne fut remarqué rien d'anormal dans l'usine ni dans le village, et je quittai mon bureau vers 8 heures du soir pour rentrer chez moi sans avoir été informé que des désordres se produisaient dans le village. Ce n'est que vers 10 heures du soir, lorsque je reçu la visite du Capitaine Algrain que je fus informé de la gravité des faits qui se passaient depuis 6 heures 1/2 aux environs de la Gendarmerie. Monsieur Algrain m'apprit notamment que deux coups de feu avaient été tiré par l'Adjudant de Gendarmerie Dragonnier et qu'un enfant avait été blessé légèrement. Presque en même temps je reçus la visite de l'Officier de Police Cargate, Chef de la Police du District, convoqué chez moi par Monsieur Algrain. Cet Officier de Police revenait du village en annonçant que les désordres avaient pris un caractère grave et qu'il avait crû devoir écarter nos gendarmes pour prendre la défense du poste avec l'aide de la police anglaise comprenant en ce moment là environ vingt hommes et qu'un renfort de trente policemen était attendu. L'officier de police expliquait qu'il avait dû agir de cette façon pour empêcher la gendarmerie de faire usage de ses armes, ce qui eut, à son avis, rendu la situation désespérée. A ce moment, Monsieur Dolphin qui se trouvait à la Gendarmerie, demanda chez moi téléphoniquement à entretenir Monsieur Algrain et il lui déclara que les policiers anglais installés à la Gendarmerie étaient complètement débordés et impuissants à résister à la nouvelle attaque très forte qui se dessinait. Comme conséquence il demandait d'être autorisé à relâcher les prisonniers que la foule réclamait avec la plus grande violence. Après s'être mis d'accord avec moi, le Capitaine Algrain téléphona à Monsieur Dolphin qu'il l'autorisait à libérer les prisonniers réclamés, mais non les autres. En réalité, des trois soldats emprisonnés pour port de costume civil deux avaient été libérés la veille par expiration de peine et le troisième n'a été libéré que le lendemain pour le même motif, le délégué des émeutiers, le soldat Richard ROBERT s'étant contenté de faire libérer le soldat FLAME Julien qui avait été arrêté quelques instants auparavant alors qu'il essayait de s'introduire dans la gendarmerie par une fenêtre enfoncée. Immédiatement après, la foule se dispersa et le calme se rétablit, mais une réunion nouvelle était projetée pour le lendemain soir, ayant pour but des attentats plus graves encore que ceux relatés plus haut. Vis-à-vis de cette situation j'examinai avec soin, d'accord avec le Capitaine Algrain, les moyens les plus efficaces pour éviter le retour de scènes semblables et nous décidâmes d'entrer en contact immédiatement si possible, avec Monsieur Spicer par la voie téléphonique. Nous parvînmes après un temps fort long à obtenir la communication avec lui mais il nous fut impossible, étant donné les mauvaises conditions atmosphériques de pouvoir nous faire comprendre. Il put cependant être prévenu qu'un télégramme fort long allait lui être lancé et que j'attendais la réponse avec impatience. Je lui télégraphiai, vers 2 heure du matin, ce qui suit: Urgent:A la même heure, le message suivant vous fut câblé pour vous expliquer les mesures que je demandais à Monsieur Spicer de prendre pour la sécurité du village: Urgent : Belguerre - Havre,Pendant tout ce temps le travail de l'équipe de nuit s'effectuait normalement et sans le moindre trouble. Mon télégramme atteignit Monsieur Spicer vers 4 h. 1/2 du matin et il partit aussitôt pour Londres en vue d'effectuer les démarches nécessaires pour nous donner satisfaction et je reçus à 9 heures du matin la communication téléphonique suivante : Debauche care of Belgeanglo Birtley Durham,Ce télégramme fut confirmé par une autre communication de Monsieur Spicer parvenue à Birtley vers onze heures du matin et disant ce qui suit : Belgeanglo Birtley Durham.C'est alors que je vous ai lancé le télégramme suivant vous mettant au courant des dispositions prises par Monsieur Spicer : Spicer télégraphie stop ai pris arrangements avec Quartier Général pour que 1'Officier Général commandant la Garnison de la Tyne se mette en communication avec le Chief Constable de Durham à l'effet de prendre toutes mesures nécessaires pour parer à la situation Arrive par le train de dix heures Veuillez envoyer auto pour me prendre en face Hôtel Gare à ? heures 25.A midi et demi Monsieur Dolphin me demanda de la part du Général Montgomery arrivant de Newcastle, un entretien pour 13 h. 30. A cet entretien, assistaient :
L'entretien s'engagea immédiatement comme suit : Monsieur Gibb prit immédiatement la parole
en disant que nous étions ici pour faire des obus et que, par conséquent, la population ouvrière
devait être tranquille et qu'à son avis, avant de prendre des mesures de rigueur il y aurait
lieu de causer aux ouvriers meneurs pour tâcher de calmer les esprits par la conciliation.
Etant donné la gravité des circonstances et les conséquences considérables pouvant résulter, d'après Monsieur Gibb, de l'emploi d'une force armée anglaise combinée à notre police belge, l'exigence du Général Montgomery de ne s'assurer l'entière responsabilité de l'ordre qu'à la condition énoncée ci-dessus et enfin l'impossibilité où nous nous trouvions de consulter le Gouvernement belge, nous avons été obligés de suspendre le service de nos gendarmes et de permettre au Général de s'entretenir avec le meneur, Richard ROBERT, un soldat. Il fut bien entendu qu'à cet entretien nous ne prenions aucune part et qu'il ne pouvait en aucune façon lier le Gouvernement Belge. Le soldat Richard ROBERT fut introduit par Monsieur Dolphin et présenté
au Général qui lui posa les questions suivantes : 1ère Question:Demande:Quels sont les griefs des soldats qui ont amené les troubles d'hier?Réponse: Il y a trois griefs :
Le Général déclare alors qu'une enquête sera faite par lui sur les griefs des hommes. 2e Question:Demande:Le Général déclare que la Gendarmerie ne fonctionnera pas cette nuit, que le Village sera gardé par des policiers anglais et il demande si, dans ces conditions, il peut répondre que ses camarades ne troubleront plus l'ordre ?Réponse:Je vous donne ma parole que mes camarades ne troubleront pas l'ordre cette nuit. 3e Question:Demande:Avez-vous le pouvoir de parler au nom de vos camarades et de vous faire obéir?Réponse:Oui. 4e Question:Demande:Quand causerez-vous à vos camarades ?Réponse:Ce soir à 6 H. 1/2 au Dining Hall. Après cet entretien la séance a été levée à 15 H. 30, le Général déclarant vouloir voir
Monsieur Spicer à Newcastle à son arrivée. Belgeanglo - Birtley o DurhamNous avons attendu alors l'arrivée de Monsieur Spicer qui est entré dans mon bureau vers 17 h. 1/2 après avoir eu un entretien avec Monsieur Gibb au bureau de celui-ci. Etaient présents à l'entretien: Monsieur Spicer, Algrain et moi. "Tout est tranquille travail de nuit normal stopUn autre télégramme a été envoyé à la même heure au Major Theunis: "Tout est tranquille stopLe 23 décembre le travail fut également normal à l'usine et la tranquillité la plus parfaite règne dans le Village. Le Capitaine Algrain, d'accord avec moi, envoya vers 13 heures le télégramme suivant au Major Theunis: "Attend Commandant Hognoulle et Capitaine Mary demain stopEnfin, le jour même vers 20 heures, je reçus votre deuxième télégramme ainsi conçu: "Vu difficultés transport Hognoulle Mary arriveront seulement Londres aujourd'hui vers 19 heures stopEt de mon côté je cablai immédiatement à Monsieur Spicer ce qui suit: "Reçois à l'instant télégramme suivant du Havre stopLa nuit du 23 au 24 fut normale tant à l'usine qu'au Village et je reçu le 24 à 7 h. 1/2 du matin votre 3e télégramme dont le contenu suit: "Suppose que grâce à force dont disposez vous avez remis en prison stopEn même temps me parvenait le télégramme suivant de Monsieur Spicer: "Your telegram received stopDans la matinée du 24 courant je communiquai à Monsieur le Capitaine Algrain votre télégramme reçu le jour même et je lui demandai s'il était capable d'exécuter vos instructions.. Le Capitaine Agrain me répondit qu'il lui était impossible d'exécuter ces instructions même avec le concours de la police anglaise sans devoir recourir à l'intervention active de la force armée anglaise. C'est pourquoi je vous ai lancé dans le courant de l'après-midi un long télégramme ainsi conçu: Urgent. Belguerre Le Havre. France,ce que j'ai l'honneur de vous confirmer. Jusqu'à l'heure actuelle le Commandant et le Capitaine que vous m'annoncez ne sont pas arrivés à Birtley et j'espère que vous serez d'accord avec moi pour que nous attendions leur arrivée à Birtley avant d'appliquer les mesures de répression qui, comme je vous l'ai expliqué plus haut, sont de nature à compliquer la situation. Provisoirement le service d'ordre se fait toujours sous l'entière responsabilité du Général Montgomery et du Chief Constable de Durham jusqu'à ce que vous ayez décidé la ligne de conduite définitive à tenir. Je joins à la présente les documents suivants:
Le Directeur Général, (s) Debauche Vu pour accord, Le Capitaine (s) Algrain A Monsieur le Baron de Broqueville, Ministre de la Guerre de Belgique, Sainte - Adresse - P.S. Par suite de l'interruption des services postaux à l'occasion des fêtes de Noël j'ai décidé de faire porter la lettre à Londres au bureau du Major Theunis, afin qu'elle puisse vous parvenir plus rapidement. Elle partira donc aujourd'hui soir, 25 courant, de Birtley. La nuit du 24 au 25 ainsi que la journée du 25 ont été très calmes et rien ne fait prévoir de nouveaux troubles pour le moment. Le travail sera repris demain 26 courant à 6 heures 1/2 du matin. |
Rapport AlgrainNOTE POUR MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL
Vers 6 heures 1/2 je me trouvais en relation téléphonique avec le Lieutenant Vermeulen,
Officier de service à la Gendarmerie et il m'avertit que la foule se rassemblait devant le
Poste de Gendarmerie et, sans préavis, commençait à bombarder le poste avec des projectiles
divers. J'ai téléphoné pour demander que la police anglaise, venue en aide à notre Gendarmerie,
dégage les environs du poste de Gendarmerie. A ce moment la communication a été coupée du fait
que le poste de gendarmerie était intenable par les projectiles qui y tombaient. |
Rapport Dragonnier(copie) Le 22 décembre 16 |
Commission d'enquête(traduction - original en anglais)
Février 1917 Rapport sur les troubles survenus à Birtley en Décembre 1916.1. Préliminaires.
2. L'organisation de la Colonie de Birtley.Le nombre d'hommes belges à Birtley est de 3.997 personnes réparties de la manière suivante : 3. Les troubles du 21 Décembre 1916.Dans la matinée du 21 décembre, un avis fut affiché sur les lieu de travail invitant les travailleurs
à rejoindre la gendarmerie vers 18H30. Les causes de ces perturbations.La cause principale de ces troubles fut sans conteste l'apparition d'un ressentiment à l'égard de
l'administration militaire en place dans le village. Ce ressentiment fut aggravé par deux circonstances :
Les points 1 et 3 sont intimement liés à un autre. Actuellement aucun soldat belge en uniforme ne
pouvait être servi dans un bar, et un grand nombre de soldats revêtaient des habits civils pour pouvoir
être servis dans ces bars. Ceci avait pour résultat d'augmenter considérablement les cas d'ébriété. A propos de la présence de gendarmes.Les sentiments à l'égard des gendarmes sont dus, à notre avis, au caractère obligatoire de leur
présence plus qu'à une cause individuelle. Mais les traditions et les opinions sont très différentes
chez les belges que chez les anglais, mais il convient de garder les habitudes. En effet, ils demandent
que les gendarmes puissent conserver sur eux leurs armes à l'avenir et en font un sujet de concession
indispensable. Cette permission ne devrait pas être accordée à notre avis. La différence de vue entre
les belges et les anglais pourrait être source de difficultés et d'incompréhension entre les parties.
Le capitaine Algrain demande également que ses forces de police soit doublées, passant de 24 à 50 unités. RECOMMANDATIONS.
N.B. Le chef constable de Duham est prèt à soutenir cette proposition. Avant de discuter les recommandations à faire, le Major Theunis tient à rappeler que le Gouvernement belge a désiré dans toute cette affaire être utile et agréable au Gouvernement britannique.Toutefois, le Major Theunis, suivant les instructions qu'il a reçues, tient à exposer le point de vue du Gouvernement belge qui est le suivant : L'établissement de Birtley doit être considéré comme un établissement militaire belge semblable à ceux existant au Havre; par conséquent, les militaires qui en font partie doivent être soumis aux mêmes règlements militaires en vigueur et en constituer un détachement. CONCLUSIONS.En conclusion, nous souhaitons souligner le franc esprit de conciliation de notre collègue belge, le Major Theunis, qui a donné beaucoup plus qu'une simple présence au sein de notre enquête qui s'est déroulée avec beaucoup de respect et de délicatesse. Nos remerciements vont aussi à Mr Graham Spicer pour les services qu'il nous a rendus et le rôle évident qu'il a joué en tant qu'interprête. |
Demission du capitaine Algrain(copie) Au Capitaine Algrain, A la suite des évènements qui se sont passés à Birtley le 21 décembre 1916, il ne m'est pas possible
de vous maintenir dans vos fonctions. Le Ministre de la Guerre **retour au texte** |