Ces lettres, parfois très intéressantes et toujours très émouvantes, ont été souvent écrites par des correspondants qui ne sont plus parmi nous aujourd'hui mais qui resteront des témoins incontournables de la vie des réfugiés belges en Angleterre durant ces terribles années de guerre.
Les copies de ces documents que très aimablement nous ont confiées John G. Bygate, nous ont semblé faire partie intégrante de l'histoire de Birtley-Elisabethville. C'est à ce titre qu'elles apparaissent ici dans leur intégralité. Certaines ont fait l'objet d'une traduction française.
A Monsieur McMurtrie, |
A Monsieur McMurtrie, |
Essai de traduction d'une coupure de journal écrite par Dick Godfrey intitulée : A little piece of Belgium in the heart of Durhamet accompagnant la lettre de Mr Timpermans.C'était la soirée du 11 Novembre 1918, la rue principale d'Elisabethville était enflammée de torches flamboyantes car les gens fêtaient la fin de la première guerre mondiale. Des groupes de travailleurs venant de Gateshead se sont joints aux festivités. Une semaine plus tôt cela n'aurait pas été autorisé. Mais maintenant que la guerre est bien finie, toutes ces restrictions ont été abolies. Dans les "pubs" de Birtley et de Gateshead, les "locaux" lorgnaient avec suspicion ces gens qui parlaient une curieuse langue, entrechoquaient leurs pintes, fêtaient la défaite des Huns et leur libération. La porte marquant l'entrée à Elisabethville avait été gardée par des policiers depuis deux ans et seulement les porteurs d'un laisser-passer pouvaient la franchir. Ce soir, bien que la porte était grande ouverte, les résidents de Birtley "streamed in to take a peek at what had been the source of considerable suspicion, and a fair degree of hostility - the "huts". Maintenant il ne reste que quelques "huttes". L'étendue d'Elisabethville est un typique état d'après-guerre, malpropre et sans caractère. Cependant, mettant de côté cet aspect délabré, il reste encore quelques rangées de tombes qui portent des inscriptions de noms étrangers. Le long de la rue de Windsor, il y a deux constructions préfabriquées, bien conservées, qui sont devenues des réserves de magasin de garages. Quelques personnes qui passent par là se rendent compte qu'elles sont les vestiges d'un épisode remarquable de l'histoire du Nord-Est, de l'installation d'une portion d'un pays étranger dans le Comté de Durham, qui se suffisait à elle-même, possédait ses propres lois, son gouvernement communautaire, ses propres institutions et un style de vie complètement différent de la région avoisinante. Elle portait un nom étranger, pas celui de notre bonne Reine, mais celui d'une reine étrangère. Et l'histoire de l'origine de cette petite partie d'une monarchie qui a franchi la mer du Nord est gravée dans le coeur de l'histoire indistrielle de cette région, de l'histoire du temps de guerre et des efforts qui ont permis la défaite de l'empereur Guillaume. Origine de la guerre.En août 1914, la Belgique devint le centre d'une guerre européenne quand les colonnes de l'armée allemande transgessèrent la frontière. Le récit des atrocités allemandes fit la une de tous les journaux anglais. L'appel à "La revanche des Pauvres Petits Belges" devint le mot d'ordre du recrutement de long en large du pays.Un grand nombre de Belges se réfugièrent en Angleterre pour y vivre jusqu'à la libération de leur pays. Ils vinrent dans une région qui leur offrait non seulement de la sympathie, mais aussi un peu plus. L'interruption inattendue provoquée par la guerre a pris l'industrie de court. Le marché traditionnel d'exportation avait disparu. Dans le N-E par exemple, beaucoup de mines furent contraintes à la fermeture car leur surproduction ne pouvait plus s'exporter. Peu à peu les industries ont manqué de main-d'oeuvre à cause de la guerre et la première vague de réfugiés belges trouva du travail dans les usines d'armements comme celle d'Armstrong à Newcastle. Elle ouvrit la voie qui allait s'ouvrir pour cette main-d'oeuvre. Au printemps 1915 l'armée anglaise subit quelques revers en Flandres. Il devint bientôt clair que nos forces expéditionnaires étaient insuffisantes et manquaient de munitions. Dévoilé par la presse, ce manque de munitions devint un scandale national. Le gouvernement libéral tomba et une coalition fut mise en place par le bouillant gallois Llyod George, ministre des munitions. Il entreprit une croisade pour stimuler les anglais. Ce que nous restreignons en matériel, nous le gaspillons en vie tonna-t-il, ce que vous économisez en argent, vous le payerez en sang. Les firmes privées d'armements plaidèrent le fait qu'elles ne pouvaient produire davantage. Llyod George parvint à un compromis. Les compagnies acceptèrent le principe de construire de nouvelles usines placées sous leur commandement et entièrement financées par le gouvernement. Les Usines construites sur ce principe porteraient le nom de "National Projectile Factory".Source du pouvoir.Avec l'aide d'une traditionnelle réputation d'ingénieurs, d'une production d'acier et de charbon, et de l'existence d'une Usine d'armements renommée, la firme Armstrong Witword, la région du Nord-Est était une place idéale pour ce projet.Un site près de la station de Birtley fut choisi parce que situé sur une grande voie de communication du N-E, avec un chemin de fer directement relié au réseau de Elswick, et équipé d'une grande source d'énergie en provenance de Dunston. Le site fut désigné par les Lords Durham et Ravensworth. Initialement il fut simplement acquis par le gouvernement suivant les règles de temps de guerre, mais à la fin, il fut payé par l'état au prix de £24.000. Mais d'où proviendraient les forces de travail ? Les gens du pays qui n'étaient pas engagés dans les tranchées en France travaillaient déjà dans d'autres industries vitales telles que les mines. A la fin de l'été 1915, il fut convenu que l'Usine de Birtley serait confiée aux Belges. Il fut également convenu que, pour ne pas créer de difficultés avec les autorités locales, les ouvriers belges seraient dirigés par une autorité belge et une convention fut signée à cette fin par les gouvernements. L'année précédente, le leader socialiste belge avait soumis à Lloyd George l'idée d'une telle usine autocontrolée. Il avait écrit notamment : Comme ils sont habitués à travailler dur, encouragés par un bon salaire, plus élevé que celui qu'ils ont généralement, nos ouvriers travailleraient dans des conditions, morales et matérielles, dont ils sont capables grâce à leur capacité et leur volonté". Au moment où l'usine fut construite à Birtley, le gouvernement anglais était lui-même confronté au problème d'offrir de bonnes conditions de logement et de sécurité aux nouveaux travailleurs recrutés dans les usines d'armements. Il fut ainsi décidé de considérer le projet "Birtley" comme un "Village modèle expérimental", incluant quelques concepts de "cité jardin" de Letchworth et de Welwyn situés dans le sud de l'angleterre. Cependant, la politique de recrutement de civils belges dans les usines de munitions échoua, pour la bonne raison que leur nombre fut nettement suffisant. Il y avait d'autre part bon nombre de soldats qui avaient été soustraits du front et le gouvernement belge accepta de détourner ceux-ci ainsi que les blessés de guerre en convalescence vers ce travail de guerre en Angleterre. En 1916, une parcelle de pature en jachère, proche de la "National Projectile Factory" à Birtley fut acquise par les autorités d'Elisabethville pour y loger les familles dans des baraquements. Environ 700 cottages individuels furent construits rapidement en blocs de ciment, bois, planches et plâtre, alignés suivant des lignes géométriques, certains équipés de jardinets clôturés devant ou sur le côté des habitations, à l'usage des gens mariés et de leur famille. Les célibataires étaient logés dans 22 barraquements en bois et il y avait également 3 réfectoires capables de recevoir 2.500 travailleurs assis, en même temps. Au fur et à mesure du développement de ce nouveau complexe, d'autres aménagements furent ajoutés: une église, un grand hôpital avec un bloc opératoire et des installations RX, une école pour 500 enfants qui fut finalement démolie il y a quelques mois. Très rapidement, on se trouva devant un état dans l'état. Il était administré suivant les règles militaires par des administrateurs belges et quelques officiers britanniques de liaison. Les ouvriers devaient porter l'uniforme militaire et n'étaient que rarement autorisé à quitter le complexe qui était entouré d'une clôture et d'une grille d'entrée gardée. L'administration belge avait établi sa propre juridiction, son propre service de police et même une prison pour les délinquants. Les travailleurs civils d'Elisabethville par contre étaient pris en charge par des magistrats locaux s'ils contrevenaient aux lois britanniques. Il y a eu jusqu'à 6000 personnes travaillant à Birtley parmi lesquelles on comptait 1.200 enfants. Ils avaient leur propre magasins et leurs services sociaux, de même que leurs clubs sportifs et leurs associations culturelles. Comparée aux conditions de la vie régionale, les gens de Birtley avaient la belle vie. Cette partie du Comté de Durham fut connue comme pays de cocagne; elle avait son propre système de traitement des eaux sales. Au prix de 50 pounds par semaine pour un appartement à trois chambres, 40 pounds pour deux chambres, les belges avaient des logements confortables, bien équippés, chauffés et éclairés. Aspects pêle-mêle.On fut surpris de voir, avec un peu de jalousie, le confort des belges alors que la population locale vivait toujours comme au XIXe siècle. La plus grande source de friction fut l'argent. A ce moment, les gens de Durham qui n'avaient pas été mobilisés par le Roi ou la région, pouvaient gagner environ £2.50 par semaine alors que les ouvriers belges des usines de munitions avaient un salaire de £16 à £17. Les syndicats locaux ne mirent pas longtemps à tirer avantage de ces richesses. De grandes quantités d'oeufs et de viandes fraîches ont été vues à Elisabethville, alors que les locaux égrênaient leur maigres salaires de temps de guerre et ne mangeaient de corned beef que les dimanches quand ils avaient de la chance.Les épouses des ouvriers belges furent autorisées à sortir du campement et ramenaient des sacs pleins des fermes des environs pour compléter leur approvisionnement déjà excessif. La plupart des magasins de la localité faisaient un troc dans le système des deux tiers: un pour les locaux et deux pour les belges. Mais, en dépit des facilités à l'intérieur d'Elisabethville, l'ennui était le problème majeur. Un grand nombre d'ouvriers étaient des jeunes célibataires avec de l'argent plein les poches, qui faisaient la plus grande attraction des prostituées de Tyneside et de Wearside qui affluaient à Birtley les soirs de jours de paye. Il fut largement suspecté en dehors des baraquements, et non sans raison, que les belges qui ne voulaient pas payer leur plaisir, le trouvait parmi les épouses et fiancées des britanniques locaux qui servaient dans les tranchées. Pour les soldats britanniques qui revenaient en permission, la situation leur semblait surréaliste. Alors qu'ils risquaient leur vie pour libérer "la pauvre petite belgique" pendant qu'en Angleterre un grand nombre de belges semblaient mener une vie de château ! Cela prit une telle ampleur que les locaux envisagèrent même de faire la grève à moins que quelque chose ne fut entrepris concernant la différence entre leur niveau de vie et celui qui règnait à l'intérieur des grilles. "Leur attitude envers les belges aurait du être quelque peu sympathique", observe un conseiller local, "mais dans ces circonstances, c'était impossible. Ils avaient un gros salaire, ils étaient bien nourris et en plus ils se sont corrompus avec autant de femmes qu'ils en voulaient. Toute la colonie était devenue un sale repaire d'iniquité". Quand la guerre fut terminée, et après les célébrations, le rapatriement des belges devint une priorité. Le gouvernement belge était anxieux de les voir revenir pour aider à la reconstruction de leur pays en ruine. Les autorités britanniques souhaitaient également le retour de leurs hôtes. Il y avait en effet un danger que les belges soient compétitifs sur le marché du travail au moment de la démobilisation. Des arrangements furent prévus pour reconduire rapidement les belges chez eux. Quelques uns, qui avaient épousé des femmes locales sont restés. C'est ainsi que certains noms à assonnance belge apparaissent encore lors des élections. Mais bon nombre de ceux-ci ont anglicisé leur nom depuis lors. Elisabethville a laissé un héritage beaucoup plus important qu'un simple nom dans un registre local, un reste de cimetière et deux constructions préfabriquées. Elle a radicalement changé la société de Durham. Le carcan économique qui s'exerçait par les anciennes compagnies de l'acier et du charbon s'est rompu. Les terrains qui ont été pendant des siècles la propriété d'une certaine bourgeoisie, grâce à la guerre tombèrent dans l'escarcelle du conseil local qui put les utiliser dans la construction de logements sociaux bien nécessaires. Une conscience sociale et politique a pris jour parmi les travailleurs locaux qui ont compris qu'on avait octroyé à des étrangers de passage de bien meilleures conditions de vie que laes leur. La jalousie et la concupiscence se muèrent en action politique. Birtley s'est ainsi dotée d'une branche florissante du Parti communiste bien avant qu'apparaissent la fraction connue sous le nom de "Petit Moscou de Chopwell"! Et le site de la "National Projectile Factory" qui a produit Elisabethville est devenu ainsi le germe naturel de développement d'un état industriel qui a permis dans la suite le développement de beaucoup d'entreprises actuelles. |
A Monsieur McMurtrie, |
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Aan de Heer McMurtrie, |
Aan de Heer McMurtrie, |
Aan de Heer McMurtrie, |
A Monsieur McMurtrie, |
A Monsieur D. McMurtrie, |
A Monsieur McMurtrie,
Nous habitions une jolie petite maison qui avait une grande cuisine, trois chambres à coucher et une petite arrière-cuisine. J'ai encore une photographie de notre petite maison qui ressemblait à une petite villa qu'on surnommait la villa Clémentine parce que j'étais la plus âgée des enfants. Nous y avons passé un très bon temps. J'ai demandé à des jeunes de la seconde guerre mondiale si Birtley était toujours là et ils m'ont répondu qu'elle était encore là, ce qui m'a fait le plus grand plaisir car nous en avons gardé de très bons souvenirs. Ainsi donc Monsieur, je ne sais rien de vous mais je pense qu'il y a encore des personnes qui pourraient vous renseigner. J'ai fait ci-dessous un croquis de l'intérieur de notre petite maison. Cher Monsieur, je termine ici ma lettre en vous disant qu'il y a eu à Birtley plusieurs personnes d'Hoboken dont beaucoup sont morts. Moi-même j'ai 76 ans. Avec mes meilleures salutations de Hoboken près d'Anvers. (sé) Clémentine VIJVERMANS |
A Monsieur D. McMurtrie, |
A Monsieur McMurtrie, |