Ces lettres, parfois très intéressantes et toujours très émouvantes, ont été souvent écrites par des correspondants qui ne sont plus parmi nous aujourd'hui mais qui resteront des témoins incontournables de la vie des réfugiés belges en Angleterre durant ces terribles années de guerre.
Les copies de ces documents que très aimablement nous ont confiées John G. Bygate, nous ont semblé faire partie intégrante de l'histoire de Birtley-Elisabethville. C'est à ce titre qu'elles apparaissent ici dans leur intégralité. Certaines ont fait l'objet d'une traduction française.
A Monsieur McMurtrie, |
A Monsieur D. McMurtrie, |
Mr Douglas Mac Murtrie, |
A Monsieur McMurtrie, |
A Monsieur McMurtrie,
p.s.Je serais heureux de vous envoyer plus d'informations plus tard (sé) Gust PELKMANS. |
A Monsieur McMurtrie, |
Quelques informations sur "L'école d'Elisabethville" |
Au début de la guerre 14-18, l'invasion allemande en Belgique provoqua ici la présence de nombreuses
familles déplacées et de nombreux soldats furent démobilisés. Le Gouvernement anglais, dans un
projet audacieux, construisit à Birtley un village pour héberger quelques milliers de personnes
recrutées à la "Royal Ordnance factory" de telle sorte qu'en étant payées, elles puissent aussi
survivre. Le village fut appelé "Elisabethville" écrit avec un "s" comme la Reine des Belges,
épouse du Roi Albert 1er, qui à cette époque était le Commandement en Chef de l'armée belge. Quelques 900 bungalows provisoires furent construits ainsi qu'un certain nombre de barraquements confortables destinés aux célibataires. Le Gouvernement Britannique chercha un interlocuteur connaissant bien le français et ayant une bonne expérience d'organisation. Mon père satisfaisait à ces critères et fut choisi pour être le représentant du Ministère de travail. Elisabethville s'autosuffisait remarquablement, avec un hôpital propre, une coopérative commerciale, une station de police, un couvent et une école. Le village était entouré d'une clôture, la porte surveillée par un garde et était en quelque sorte un petit morceau de la Belgique transplanté dans le nord de l'Angleterre. Le village se distingua en fabriquant plus de deux millions d'obus. Mon père décida que ses enfants en âge d'école, mon frère ainé, moi-même et ma soeur, iraient à l'école belge. Nous y avons été. Les garçons furent catalogués "Wallons" et les soeurs "Flamandes". Les filles étaient prises en charge par les soeurs ursuline et les garçons par des soldats flamands et wallons. Un soldat belge enseignait en français dans des classes de 5 à 10 élèves. J'avais 9 ans et je me le rappelle comme étant à la fois énergique et affectueux. Il n'était pas orgueilleux mais naturellement bon avec une large culture générale ( il me vient à l'esprit qu'il avait une expérience de planteur de thé et qu'il avait travaillé en Espagne). La discipline était bonne sans être excessive, sans punitions corporelles; en fait, la discipline était meilleure que dans d'autres établissements où sévissaient des punitions corporelles. Il était en uniforme et fumait une grosse pipe en classe: un vrai homme donc! La plupart des élèves étaient bilingues, les élèves wallons d'expression française parlaient un peu le flamand et vice-versa. Beaucoup s'exprimaient aussi assez convenablement en anglais. Un élève ne parlant que sa langue maternelle était l'exception. Dans ces circonstances il fut naturel pour moi d'apprendre le français, particulièrement au cours de géographie et d'histoire, matières relatives aux deux modes d'expression. Généralement les jeux à la récréation, étaient polyglottes. Après tout, les obligations linguistiques étaient spontanées pour tous et variaient entre les deux langues, le français et le flamand. La journée de travail commençait en mode personnel. Tout d'abord, nous sortions notre ardoise et nos touches pour copier ensuite des problèmes d'arithmétique de difficultés proportionnelles à nos âges, puis nous récitions nos prières pendant qu'en même temps on travaillait sur les calculs. Il n'y avait pas de mise à genous, ni de punitions pour nos erreurs dans ces activités. Les questions sur des sujets religieux ne nous décourageaient pas mais n'étaient pas oppressives. L'histoire de la mort des saints nous était parfois contée mais je ne pense pas que nous étions supposées les croire. J'avais été auparavant dans une école primaire anglaise et le modèle belge n'était pas différent. Naturellement, le système métrique était utilisé et les tables de multiplication se terminaient à 10. Plus tard, quand je fus transférée dans une école secondaire anglaise, cela m'a occasionné quelques difficultés, mais le réel cauchemar a été de compter les prix en livres, shillings et pennies (d), les volumes en boisseaux et gallons, et les mesures en pieds et pouces! On m'a dit que l'école avait été construite pour 10 années; elle a servi 63 ans. Il n'y a pas de doute qu'en se souvenant des dernières années seulement, alors que nous étions chauffées par un chauffage central, nous avions oublié qu'au début on se chauffait avec un poele et du charbon quand il y en avait et qu'un jour nous avons dû rentrer à la maison car l'encre avait gelé dans notre encrier! |
Aan de Heer McMurtrie, |
A Monsieur D. McMurtrie, |
A Monsieur D.McMurtrie,
A l'envers du document on peut lire en farançais : Birtley-Elisabethville "Le nommé Scory Joseph est autorisé à circuler dans le village belge." Le Capitaine, chef du village et Commandant de D.O.A.B.E. (la signature semble être L. LEGRAIN) - en fait, il s'agit de Léon Algrain -. J'ai trouvé aussi une photo de la Cathédrale de Durham en 1912 et deux croquis montrant comment ma mère et sa soeur et d'autres dames étaient habillée à l'époque. Si ces document sont d'un utilité quelconque pour écrire un livre, préparer un exposition ou une autre démarche, ils sont à votre disposition. Mon journal fait mention d'un livre qui serait écrit par votre école. Inutile de vous dire que si c'était le cas, je serais très heureux de pouvoir me le procurer. Vous sauhaitant bon succès dans votre entreprise, en espérant que vous recevrez d'autres témoignages de ce qu'il est arrivé entre nos deux peuples durant cette guerre. Sincèrement vôtre, (sé) Jacques Scory |
A Monsieur D. McMurtrie, |
Aan de Heer McMurtrie, |